Énergie Service Biel/Bienne (ESB) et la sobriété énergétique

Plutôt que de nous bercer de techno-optimisme, la sobriété énergétique ne serait-elle pas le principal levier à la transition?

En matière de transition énergétique, la Suisse s’est fixé les objectifs suivants : sortir du nucléaire d’ici à 2035 et atteindre la neutralité carbone en 2050. Tenir ces objectifs implique de suivre la trajectoire définie par la variante de base ZERO des perspectives énergétiques 2050+ publiées en 2020 par la confédération. Les sources d’énergies fossiles et nucléaires y disparaissent comme par enchantement au profit d’un déploiement massif des énergies renouvelables et d’une sérieuse diminution de la consommation totale d’énergie (-30% en 2050 comparé à 2019).

Consommation d’énergie par agents énergétiques – Perspectives énergétiques 2050+ variante de base ZÉRO et année de référence 2019

«Gagner en efficacité, c’est bon pour l’économie»

Les chocs pétroliers du siècle dernier ont amené les politiques à définir la sécurité énergétique comme la disponibilité ininterrompue de sources d’énergie à un prix abordable, où les concepts de durabilité et d’utilisation économe des ressources sont généralement marginalisés.

Sur mandat biennal de l’Office Fédéral de l’Énergie, les entreprises suisses d’approvisionnement en énergie ont la possibilité de se faire distinguer sur des critères d’efficacité énergétique et de promotion des énergies renouvelables. En 2020, ESB fait d’ailleurs partie des meilleurs concourants.

Gagner en efficacité, on peut le faire en changeant son vieux frigo ou en passant au dernier modèle hybride. Cela revient à consommer de nouveaux produits. C’est bon pour l’économie. Promouvoir les énergies renouvelables, c’est motiver de nouvelles installations, c’est créer de nouveaux emplois. À nouveau, c’est bon pour l’économie.

Mais est-ce que l’efficacité énergétique et le déploiement des énergies renouvelables tels que pensés aujourd’hui nous permettront d’atteindre la neutralité carbone ? Rien n’est moins sûr.

En effet, les aspects d’énergies grises et donc de consommation d’énergie finale sont systématiquement mis de côté. Gagner en efficacité énergétique, c’est mesurer à un endroit précis une diminution de consommation, sans se soucier du fait qu’elle entraîne potentiellement une augmentation plus importante ailleurs. Un exemple : on sait aujourd’hui faire des moteurs extrêmement efficaces, on en profite pour faire des véhicules plus puissants et plus gros avec pour résultats, plus d’énergie consommée.

Déployer les énergies renouvelables, c’est jusqu’à preuve du contraire ajouter une ligne de consommation plutôt que de la soustraire.

Quand ESB présente sa centrale solaire de la Tissot Arena, elle parle de plus de 8’000 modules solaires installés sur une surface de 16’500 m2, qui produisent environ 2 millions de kWh/a, correspondant à la consommation en électricité d’environ 500 ménages, c’est honorable.

Présentés de manière lucide et objective, ces mêmes chiffres peuvent être tournés au ridicule. 2 millions de kWh/a c’est un grand chiffre pour dire 2 GWh/a, c’est-à-dire moins de 1% de la consommation d’électricité biennoise (environ 320 GWh/a). Par ailleurs, les centres commerciaux sont des monstres de consommation énergétique : climatisation, déperdition de chaleur, éclairage ; la totale. En moyenne, et sans compter la chaîne frigorifique, un centre commercial consommerait environ 550 kWh/m2/a. La surface commerciale sur laquelle la centrale solaire est construite pourrait donc avoir une consommation annuelle qui s’approcherait des 9 GWh/a. La production de la centrale solaire installée sur le toit de la Tissot Arena couvrirait donc au mieux 20% de la consommation électrique de l’édifice.

En quoi de manière objective, cette centrale contribue-t-elle aux objectifs de réduction de notre consommation ?

Le règlement de la ville pour ESB stipule à l’article 10 : « elle [ESB] incite sa clientèle à réduire sa consommation énergétique ». ESB vient ainsi de lancer l’opération éco-logement et indique que si nous jouons tous le jeu, nous pourrions économiser 3.1GWh/a ou 2’500 tonnes de CO2 par an, c’est-à-dire environ 1% de notre consommation énergétique et de nos émissions. Où allons-nous bien pouvoir trouver le reste ?

Alors, on fait quoi?

On change de paradigme. Faisons enfin de la sobriété la boussole de chacune de nos actions.

Naomi Vouillamoz

Paru dans Le petit courrier vert, n° 4, Décembre 2021.

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L'apocalypse joyeuse (2012)

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Henry David Thoreau

On the Duty of Civil Disobedience (1849)

"C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas."

Victor Hugo

"Warum ist eine Zivilisation, die sich weltweit als Trägerin von Vernunft und Fortschritt inszeniert, unfähig, einen offensichtlichselbstmörderischen Pfad zu verlassen und die Richtung zu ändern?"

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Das Ende der Megamaschine (2015)